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Retour en mer

Un refit est toujours une affaire de long terme et de patience. Au programme de cette fin de chantier : pose de l’antidérapant, montage de l’accastillage flambant neuf et rangement en vue de la remise à l’eau tant attendue!

CE CHANTIER va-t-il se terminer dans les temps ? Telle est la question qui nous taraude en cette fin de rénovation suite à l’énorme intervention lancée sur la quille pour cause d’électrolyse (VM n°247). Ce travail colossal (plus de cent heures d’intervention), non prévu dans nos plans initiaux, a forcément fait prendre du retard au chantier du Grand Val : deux mois d’immobilisation supplémentaire, un intérieur sens dessus dessous et de la poussière de plomb incrustée dans tous les recoins du bateau.

Pourtant, il était impératif de finir les soudures avant de se lancer dans la pose de l’antidérapant. Plusieurs choix s’offrent alors à nous. D’un côté les peintures composées de grains de sable ou de liants modifiés avec rajout de microbilles, ou encore la bande auto-adhésive type TBS. De l’autre du teck naturel ou synthétique (comme le Flexiteek) ou encore le bon vieux Trade Master Naval HPK, plus classique avec ses fameux motifs en losange.

Après mûre réflexion, notre choix se portera sur ce dernier produit qui a déjà fait ses preuves (le pont de Diaphani en était recouvert à l’origine). En outre, il reste abordable financièrement, contrairement au teck tout en garantissant un bon vieillissement dans le temps, à l’inverse des peintures qui nécessitent de repasser une bonne couche tous les dix ans environ (selon utilisation).

LA DECOUPE DES PIECES EST FASTIDIEUSE

La préparation de ce type d’antidérapant demande en revanche de lancer la préparation du travail bien en amont. C’est-à-dire avant même de retirer l’ancien Trade Master en vue de la peinture de pont à venir. L’idée étant de réaliser des gabarits à partir des anciennes plaques d’antidérapant à l’aide de feuilles en polyane connues pour leur résistance et leur capacité à se rouler facilement dans des étuis. En parallèle, un schéma reprenant la mesure des différents panneaux et leur emplacement sur le pont est réalisé sur un carnet. Ce fil directeur permet de lancer les travaux de peinture tout en gardant une marge de manœuvre pratique en cas de modification du cahier des charges de l’accastillage.

Ainsi, un changement pour un winch de taille plus importante sera pris en compte dans la pose du futur antidérapant. Une fois la peinture de pont bien séchée, on applique avec soin les différents gabarits à l’aide du plan général. On veillera toujours à bien tracer les traits au crayon de papier avec une marge de quelques millimètres en moins pour éviter de les voir apparaître une fois la pièce de Trade Master positionnée.

Mais avant cette étape plutôt sympathique, la découpe des pièces s’avère souvent longue et fastidieuse. En effet, l’antidérapant arrive directement de l’usine sous forme de panneaux de taille standard (120 par 90 cm) qu’il faut découper en autant de pièces nécessaires. Pour ce faire, rien ne vaut une grande table comme on peut trouver en voilerie. A l’aide de grandes règles et en prenant soin de retourner le Trade Master pour éviter d’abîmer les motifs, on peut se lancer sereinement dans l’opération de découpage.

Attention à bien respecter le sens des losanges dont on doit absolument garder l’alignement. Ce sont ces derniers qui participent activement à l’adhérence de ce support de pont et à son esthétique générale. Pour la finition des petites pièces aux formes atypiques et non planes (autour des winches d’embraque au niveau des hiloires par exemple), on utilise des échantillons de bois de différentes tailles pour concevoir les arrondis. Ceci avant de lancer le ponçage à la main pour éliminer les restes de matière afin de coller parfaitement au traçage prévu. Résultat pour le chantier : de nombreuses chutes irrécupérables et des heures de labeur…

Une fois tous les panneaux finalisés, il faut comme toujours préparer au mieux la surface de collage. Après avoir vérifié que ces derniers s’adaptent parfaitement aux différents contours, un ponçage au 120 à la machine est nécessaire pour parfaire une accroche mécanique. Pour les zones arrondies, un travail manuel de précision est conseillé pour éviter de déborder et d’attaquer ainsi la nouvelle peinture de pont. Pour finir, dépoussiérage et dégraissage à l’acétone sont indispensables avant de se lancer dans le collage définitif de notre Trade Master de couleur beige.

Pour les caractéristiques de la colle, nous optons, suite aux retours d’expérience réussis du chantier, pour une colle époxy qui semble la plus adaptée à l’aluminium. De plus, celle-ci est réputée pour sa haute résistance à l’arrachement, contrairement à une colle néoprène plus traditionnelle. Pour éviter tout débordement, on prépare comme pour la peinture un scotch sur les bordures de chaque panneau. On rajoute également des petites cales scotchées sur chaque bord pour éviter à la pièce d’antidérapant de bouger, même de quelques centimètres, au moment du collage. Ce dernier à proprement parler est effectué à l’aide d’un peigne pour empêcher de grosses agglomérations de matière qui pourraient nuire à l’abrasivité et à la beauté de l’ensemble.

Une fois la colle appliquée avec soin sur le revers, on laisse les solvants s’évaporer avant d’appliquer délicatement, quelques minutes plus tard, les pièces de Trade Master sur le pont. Là encore, une technique particulière est doit être à mise en œuvre : le marouflage. Il s’agit d’appliquer le Trade Master en le pressant (à la main ou avec un rouleau) de manière régulière de façon à éliminer les bulles d’air qui auraient pu se loger entre les deux surfaces.

On pourra toutefois se permettre de percer à l’aiguille les micro-bulles restantes. Enfin, des poids en plomb sont répartis pour garder les panneaux en place pendant la durée de séchage de la colle – compter trente-six heures. Il nous reste alors à remonter l’accastillage dernier cri (à l’exception des winches du piano et des anciens capots de pont) avant le grand ménage de printemps, prélude à la remise à l’eau. Toujours dans un souci d’économie des heures de main-d’œuvre, nous décidons de réaliser une bonne partie de ce travail somme toute la plus sympathique en famille. Et une fois de plus, les conseils des techniciens du Grand Val seront indispensables pour accomplir ce travail de titan. La pose des nouveaux rails de génois nous causera d’ailleurs bien des soucis. L’entraxe pour quelques millimètres ne correspondant pas – évidemment – aux anciens trous, nous ne coupons pas à la tâche ingrate du taraudage.

UN VERITABLE CASSE-TETE

Après de longues heures de bricolage, nous sommes contraints d’abandonner cette technique après être tombés plusieurs fois sur d’anciens écrous positionnés sous le rail d’origine et datant de la construction. Le chantier Pouvreau avait fait dans le costaud avec ce rail taraudé sur 1,2 cm de profondeur et boulonné. Au final, nous décidons de percer mais là encore, nous tombons sur un os. En effet, directement sous les rails, une lisse creuse de renfort courant sous le pont doit d’abord être traversée pour passer les vis afin de boulonner l’ensemble à l’aide d’écrous.

L’accessibilité des différentes parties de Diaphani étant un véritable casse-tête, nous passons de longs moments à démonter les aménagements intérieurs comme les penderies des cabines arrière. A force d’acharnement, nous finirons par réussir dans la douleur la pose de ces fameux rails avec des vis de 110 mm de long. De plus, réaliser une étanchéité parfaite va vite devenir indispensable avec ce nouveau montage. La encore, cela ne sera pas un long fleuve tranquille puisque lors du convoyage retour vers le Crouesty, une entrée d’eau sera détectée, au grand dam de l’équipage.

La faute à un ancien trou pas ou mal rebouché qui nécessitera de démonter en totalité le rail tribord une fois au port. Définitivement une histoire de spécialistes ce refit, ne laissant aucune place à l’approximation ! Pour autant, le montage du reste de l’accastillage à l’instar des winches et des différents taquets sera mieux réussi tout en respectant au plus près les exigences d’un voilier en alliage. Une plaque isolante est nécessairement ajustée sous chaque pièce d’accastillage pour éviter la corrosion à venir entre acier inox et pont en aluminium. Idem pour les vis de fixation qui doivent être enveloppées dans une pâte isolante hautement toxique.

Enfin, des contre-plaques sont installées sous les vaigrages pour consolider les taquets multiples du piano et winches de pont. Comme souvent en fin de travaux, nous passerons les deux dernières semaines de ce chantier pharaonique à nettoyer en profondeur les fonds, les coffres et toutes les couchettes de ce voilier qui semble alors d’une taille gigantesque ! Mais quelle récompense quand, après dix mois de labeur intense, notre beau voilier pimpant comme au sortir du chantier retrouve enfin son élément !

Les dessous d’une jupe rapportée

Gaétan Ozenn, du chantier du Grand Val, s’est fait une spécialité de ces jupes rapportées qui changent la vie à bord et bonifient les performances. Suivez le pro!

COMPOSITE

Les dessous d’une jupe rapportée Gaétan Ozenn, du chantier du Grand Val, s’est fait une spécialité de ces jupes rapportées qui changent la vie à bord et bonifient les performances. Suivez le pro!
Texte et photos : Paul Gury.

COMME ELLES SONT BELLES

Et légères les jupes en composite réalisées sur demande par le chantier du Grand Val. Les propriétaires de voiliers semblent en effet de plus en plus fréquemment tentés par la construction d’une jupe. Il peut s’agir soit de rallonger celle existant à l’origine, soit carrément d’en construire une toute neuve et sur mesure, s’il vous plaît… Le but de cette extension est quelquefois l’envie d’augmenter la longueur de flottaison pour obtenir de meilleures performances sous voiles. Dans ce cas-là, l’avis de l’architecte est déterminant et surtout indispensable avant de se lancer dans ce type de chantier.

Mais une jupe, c’est aussi un gage de sécurité. Il suffit d’avoir eu à ramener un équipier tombé à l’eau pour se rendre pleinement compte de la justesse de cette affirmation. Associée à une bonne échelle télescopique, elle évitera le recours à des procédés parfois complexes de récupération d’homme à la mer comme l’utilisation de l’écoute de GV ou du tangon de spi. Il y a aussi bien sûr le côté pratique de cette plateforme qui autorise bien du confort lors des croisières estivales. Périmètre ouvert à la baignade par excellence, les jupes sont aussi un lieu où il fait bon faire la vaisselle ou tout simplement rêvasser au mouillage les pieds dans l’eau. Et lorsque l’on navigue avec des enfants, les transports en annexe sont largement facilités. Vous l’aurez compris, un voilier équipé d’une jupe offre bien des avantages et ce n’est sûrement pas un hasard si les nouvelles unités en sont largement pourvues. C’est en surfant sur ce constat que Gaétan s’est lancé dans la construction de deux types de jupe en matière composite.

Il y a tout d’abord celle que l’on peut rapporter par boulonnage comme dans le cadre du refit de Diaphani (voir VM n°246) ou bien celle totalement intégrée-stratifiée sur la coque existante. Dans le premier cas, le mode opératoire est plus simple car il ne nécessite pas de collage, on utilise de la résine polyester associée à de la fibre de verre pour réaliser la stratification. Des trous sont percés dans le tableau arrière afin d’y passer des vis de bon diamètre qui sont reprises par des écrous assurant la liaison entre la nouvelle jupe et le reste du voilier.

L’ensemble est d’ailleurs étanchéifié par un joint en silicone. Pour le second procédé, on applique de la fibre avec cette fois-ci une résine époxy pour garantir un collage total et de qualité avec la structure du voilier. Mais dans les deux cas, il faudra s’assurer, en fonction de la forme arrière de la carène, que la jupe à venir est parfaitement compatible avec cette dernière. Pour ce faire, il est indispensable de créer un moule à partir de plusieurs pièces de bois souple (généralement du contre plaqué ou de l’Isorel) de 3 mm d’épaisseur au maximum. Les plaques de bois sont maintenues par des sangles à cliquet sur une surface allant de 50 cm sur l’avant du voilier à partir du dessous du tableau arrière au niveau de la flottaison.

Etape 1 : réalisation du moule et préparation de la surface

La construction du moule (1) constitué de plusieurs panneaux de contreplaqué ou de bois souple doit permettre d’épouser au mieux la forme de la carène. Pour garantir la forme arrondie de la jupe à venir, des sangles à cliquet sont nécessaires pour éviter tout décalage. De la matière est injectée entre les plaques de bois pour garder une surface parfaitement plane. Des mesures précises (2) de la poupe permettent de s’assurer que la jupe à venir pourra se rapporter à l’arrière du voilier. Parfois, la forme trop originale de la carène ne permet pas l’ajout d’une jupe. Un ponçage du gel-coat du tableau

arrière (3) doit permettre une accroche mécanique de la stratification à venir en revenant à la fibre de verre d’origine.
La nouvelle jupe en composite intégrée-stratifiée au Fabulo 36 semble avoir toujours été là.
VOILE MAGAZINE • OCTOBRE 2016 95
Un masque à cartouche est incontournable lorsque l’on travaille sur du composite.

TECHNIQUE DE LA THEORIE A LA PRATIQUE

Dimensions (longueur et largeur) approximatives de la jupe à venir. Cette méthode de maintien garantit une bonne tension afin de récupérer parfaitement la forme de la poupe du voilier. Cependant il arrive parfois que Gaétan anticipe l’impossibilité de la réalisation à venir du fait de forme de carène atypique mais ce type de cas reste marginal. Une fois le moule façonné avec précision, il est enduit de plusieurs couches de cire. La matière appliquée est en définitive un démoulant sur lequel viendra s’appliquer la stratification.

UNE CONSTRUCTION EN SANDWICH

En effet, on vient bien apposer les différentes couches de stratification sur le moule mais celui-ci a pour vocation d’être retiré une fois l’ensemble solidifié. Pour permettre une accroche mécanique de la matière composite, un ponçage du gel-coat est obligatoire pour revenir sur la fibre de verre d’origine. La surface à décaper est généralement localisée entre le dessous de la coque sur quelques centimètres et sur une hauteur comprise entre 5 et 10 cm au niveau de la partie basse du tableau arrière. Une fois ces opérations de préparation effectuées, on peut enfin rentrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire la stratification proprement dite. Le procédé utilisé est celui du sandwich car il garantit une belle rigidité pour un poids minime.

Ce sandwich se compose de deux couches de fibre de verre stratifiée (les peaux) enfermant une âme en mousse PVC (voir plus loin). La première de ces peaux est constituée de plusieurs types de tissus aux caractéristiques différentes et complémentaires (un taffetas, deux de sergé et une de bi-biais) pour assurer une bonne rigidité, entre lesquels on vient appliquer de la résine. Une fois le moule collé et enduit d’un démoulant (1), on peut appliquer la première fibre sur ce dernier et sur la partie poncée du tableau arrière.

Plusieurs couches de fibres (2) de caractéristiques différentes sont posées et systématiquement enduites de résine entre chaque pour constituer la première peau. Celle-ci (3) est généralement composée de trois couches de fibre de verre (taffetas, sergé et bi-biais) qui assurent sa rigidité. Il faudra ensuite se débarrasser des surplus de matière. Le surplus de matière (1) consécutif à la création de la seconde peau est découpé à la meuleuse.

Le moule a été enlevé car la forme est réalisée et la rigidité de la jupe suffisante. Certaines parties (2) sont plus difficiles que d’autres à travailler à la meuleuse. Un travail  minutieux est alors nécessaire pour ne pas entamer le composite. Pour assurer un support parfaitement plat et lisse (3), on devra passer par l’étape fastidieuse du ponçage à la cale. Masque obligatoire! d’une mousse sous vide de 20 mm en Airex.

D’aspect quadrillé, elle est très facilement applicable du fait de sa souplesse. Enfin une deuxième peau constituée des mêmes fibres est réalisée mais la superposition de ces dernières est effectuée dans l’ordre l’inverse de celui de la première peau car il est fondamental de finir sur la couche de taffetas qui présente un bien meilleur aspect visuel.

UNE PLATEFORME BIEN PRATIQUE

A ce stade de la construction on n’a pourtant que le prolongement de la coque, il faut donc penser dans un second temps aux marches ou à la plateforme qui donneront le côté pratique de la jupe. Des renforts en contreplaqué (d’une douzaine de millimètres d’épaisseur) sont tout d’abord intégrés à la jupe de manière verticale en son milieu  puis collés et stratifiés. Le collage nécessite une technique bien particulière car il est impossible de stratifier directement deux éléments sur des angles droits. On parle alors de collage en joint congé car les deux côtés sont tout d’abord collés puis chargés en résine d’époxy (ici de la silice et du micro-ballon), et dans un dernier temps on applique le tissu (souvent du bi-biais) pour stratifier. Une fois que les renforts sont finalisés, on prépare la partie verticale de la plateforme (le tableau arrière de la nouvelle jupe en définitive) en contreplaqué de bonne épaisseur, qui est collée et stratifiée à l’intérieur comme à l’extérieur sur l’arrière de la jupe.

 

 

Alerte à l’électrolyse

Alerte à L’électrolyse

Alors que nous nous apprêtions à poser le nouveau Trademaster et l’accastillage flambant neuf, une attaque d’électrolyse de grande envergure nous a contraints à d’autres réparations techniques non prévues

UN TALONNAGE est toujours à prendre au sérieux, surtout si un peu d’eau de mer est entrée dans la quille. Peu soucieux et mal informés à l’époque de l’incident, en 2003, des séquelles potentielles en matière de corrosion galvanique (ou électrolytique), nous n’avions pas fait les réparations nécessaires sur notre Pouvreau 11.30 en aluminium. En effet, en choisissant de redresser simplement la semelle et d’aveugler la petite voie d’eau associée au choc, nous avons pris le risque de laisser de l’eau de mer, même en petite quantité, dans notre quille.

Au fil des ans, celle-ci est montée dans la partie creuse située sur l’arrière du voile car les soudures du haut de quille situées dans le varangage n’étaient pas parfaitement étanches à l’air. De plus, le fond du puisard, avec l’âge, avait perdu de son imperméabilité suite à de la corrosion, conséquence d’une légère présence permanente d’eau de mer. Il y avait donc en plus de légères infiltrations continues entre le puisard et le haut de quille…

Avec une quille lestée au plomb, toutes les conditions du triangle tant redouté de l’électrolyse se sont alors trouvées réunies. Dans notre cas : de l’eau salée suite au talonnage, des métaux à potentiel différent (l’aluminium et le plomb) et de l’oxygène. Pour rappel, la corrosion galvanique consiste en une oxydation du métal dans un environnement salin ou électrique, en quelque sorte c’est « un retour à l‘état naturel » de celui-ci. Cette réaction chimique s’illustre par une perte des électrons du métal le moins noble (l’aluminium) en faveur d’un métal plus noble (le plomb). Il y a alors une déperdition de matière (ou corrosion) du métal au potentiel le plus faible.

UN CONSTATALARMANT

Pour éviter ce type de désagrément sur les coques en alu, des anodes sacrificielles en zinc (métal encore moins noble que l’aluminium qui va servir d’appât à corrosion…) sont installées près des autres métaux à haut potentiel comme sur l’arbre d’hélice ou encore la fonte ou le plomb du lest des quilles (voir VM n°237). Mais revenons à Diaphani… Une année de navigation passée dans les eaux chaudes des tropiques en 2007 n’a pas manqué d’accélérer le phénomène. De petites cloques suintantes à l’aspect inquiétant sont logiquement apparues à divers endroits de la quille lors de la mise au sec du bateau dans le cadre de sa remise à neuf. Pourtant, étonnamment nous n’avions rien remarqué d’anormal auparavant. Contrairement aux carénages de printemps qui nous obligent à sortir le voilier sur deux jours seulement, cette fois-ci notre

Quelle mauvaise surprise que toute cette eau de mer qui s’écoule de notre quille!

L’étanchéité retrouvée du haut de quille nécessitera de longues heures de soudure coque est parfaitement sèche au bout de quelques mois. En perçant ces cratères de corrosion au tournevis (ce qui prouve incontestablement le stade avancé de la détérioration de l’aluminium), nous voyons avec angoisse se déverser quelques litres d’eau de mer. L’électrolyse a tellement bien œuvré que l’épaisseur de certaines tôles n’atteint plus que quelques demi-millimètres. Nous étions loin d’imaginer de tels dégâts.

Tranquillement cachée dans notre quille constituée d’un monobloc en aluminium soudé à la construction, la corrosion semble d’autant plus dangereuse que nous ne nous sommes dotés d’aucun moyen de la détecter de manière préventive. Nous voilà désormais devant le fait accompli et l’addition risque d’être salée, voire de compromettre la suite des travaux. En bateau, tous les petits détails comptent et cette sorte de « cancer de l’aluminium » doit être considérée avec le plus grand sérieux. Dans la foulée, l’expertise des techniciens du Grand Val nous mène directement au haut de quille. On va le rendre accessible depuis l’intérieur du bateau en faisant sauter à la meuleuse les plaques en aluminium situées sous la table du carré. Et là, c’est un spectacle d’horreur qui s’offre à nous tant l’électrolyse est à un stade avancé.

En effet, la particularité de notre quille, vide de plomb dans sa partie haute à l’endroit où sont repris les renforts de cette dernière, a permis une corrosion de grande ampleur. Ce compartiment désormais ouvert à notre vue est rempli d’une pâte toxique, mélange de plomb, d’aluminium et d’eau de mer. Il suffit de rajouter un peu d’eau de mer pour voir se dégager en direct de l’hydrogène…

Toutes les parois longitudinales et transversales sont attaquées. Il y a même des petits trous à certains endroits, « heureusement » bouchés par une fine couche d’alumine (oxyde d’aluminium). Ces cache-misère nous ont tout simplement évité des voies d’eau qu’il nous aurait été bien difficile d’expliquer et d’aveugler.

Il y a donc urgence à réagir et il est rassurant d’être accompagné dans ce diagnostic par un spécialiste de l’aluminium en la personne de Bryan dont l’entreprise, Wavinox, travaille en sous-traitance pour le chantier du Grand Val. Les solutions qui s’ouvrent à nous sont nombreuses mais comme toujours, plus ou moins onéreuses. Elles vont d’un « déquillage » total avec rajout d’une nouvelle quille au comblement des cloques à la résine époxy avec insertion de matière. Après de vifs débats familiaux, nous optons pour une alternative qui devrait garantir l’intégrité du bateau pour longtemps. Tant pis si certains travaux prévus pour embellir Diaphani vont passer à la trappe, la priorité reste la sécurité à bord.

UNE SOLUTION ONEREUSE MAIS PERENNE

Notre choix se porte au final sur une doublante en aluminium appliquée sur le voile de quille  avec une semelle renforcée et une nouvelle étanchéification du haut de quille. La lecture de nombreux blogs abordant la problématique finit de nous convaincre de la justesse de notre choix. Nous irons même jusqu’à contacter Gilles Vaton, l’architecte des plans « Sillage 11.30 » pour lui demander conseil…

Pour commencer, la quille doit être parfaitement mise à nu par un sablage et des fenêtres sont réalisées dans le bas de quille pour permettre d’accélérer l’évacuation de l’humidité et d’appréhender l’état du lest. A première vue, le plomb est en bon état mais certaines soudures sur le bord d’attaque sont bien abîmées, ce qui rend une intervention poussée de plus en plus légitime. Les renforts de quille sont matérialisés par des traits au marqueur bleu car ils serviront de point d’appui pour ressouder la doublante à venir. Pour ce qui est du haut de quille, le travail de préparation est beaucoup plus important.

En effet, il faut tout d’abord démonter une partie des aménagements intérieurs comme la table du carré ou encore le frigo pour avoir un accès total à la quille, en prévision du nettoyage de la matière électrolysée. Mais aussi pour les soudures à venir qui nécessitent de l’espace car il faut bien évidemment éviter que l’échauffement de l’aluminium engendre des départs de feu ou des traces de chaleur. Hautement toxique à cause du plomb, le ramassage est réalisé à la main, à la brosse métallique et à l’aspirateur avec gants et masque à cartouche.

Ce ne sont pas les meilleurs moments de notre rénovation mais cette étape est indispensable pour repartir sur des bases saines. Tous les tuyaux d’eau (réservoir, chauffe-eau, pompes diverses) et autres câbles électriques sont démontés un par un et identifiés par du scotch avec un numéro pour chaque afin de faciliter le remontage. Le tableau est impressionnant car le bateau paraît en partie désossé mais la rémission est à ce prix… Pour étanchéifier à nouveau cette partie sensible de notre quille, il est décidé de souder des plaques dans le sens de la longueur entre chaque varangue. Celles-ci sont toutes partiellement découpées à la meuleuse.

Bryan va donc s’employer plusieurs jours de suite à débiter des plaques de 4 mm en aluminium AG3 aux bonnes dimensions qu’il va ensuite venir souder au cas par cas. La soudure est effectuée sous gaz inerte avec une électrode réfractaire MIG, ce qui garantit un aspect visuel excellent et une parfaite étanchéité. Quant à notre ancien puisard « fuyard », il est carrément condamné. Un nouveau sera fait sur mesure et viendra s’encastrer juste au-dessus de l’ancien. Pareil pour les anciennes goulottes passe-câbles qui sont toutes refaites à neuf.

Pour finir, les plaques en aluminium qui avaient été retirées pour accéder au haut de quille sont à leur tour ressoudées. Travail de longue haleine, le résultat est visuellement rassurant, d’autant que le test d’étanchéité est concluant. Reste à poser la doublante de quille qui se doit de garder une bonne pénétration dans l’eau. Un gabarit est en premier lieu posé sur le bord d’attaque puis Bryan prépare la découpe et la forme des deux flancs à la plieuse croqueuse.

UN TRAVAIL DE PRECISION

Un autre gabarit pour la semelle est aussi réalisé mais avec plus de matière cette fois-ci (une épaisseur de 8 mm) afin de pouvoir relier cette dernière par soudure au nouveau voile de quille. Les tôles sont ensuite pointées (soudure superficielle) sur le nez afin de les disposer en vue de leur positionnement définitif. Des trous à la scie cloche tous les 40 cm sur la totalité de la quille sont nécessaires pour permettre des soudures bouchons qui vont finir de plaquer la doublante sur la quille d’origine.

Pour terminer ce travail d’orfèvre, des soudures en continu sont effectuées puis meulées sur tout le pourtour de la fameuse doublante pour assurer une étanchéité définitive. C’est une grande satisfaction de voir que cette réparation de quille est à la hauteur de nos espérances car elle semble mêler esthétique et robustesse. Même si nous allons forcément perdre un peu en performance en matière de poids et de glisse, notre voilier a tout de même survécu à une attaque d’électrolyse de grande ampleur qui aurait pu avoir raison de sa longévité et cela n’a pas de prix.

 

Les secrets d’une peinture réussie

Les secrets d’une peinture réussie

L’accastillage enfin démonté (voir épisode précédent), on s’attaque aux peintures de pont et de coque. Et une fois encore, l’expérience des techniciens du Grand Val s’avère précieuse…

L’antidérapant vieillissant était le dernier élément à retirer du pont de Diaphani. Pour ce faire, l’utilisation d’un ciseau à bois ou d’un ébauchoir de bon diamètre est le bienvenu. A quatre pattes, avec un peu d’habitude on arrive à enlever une bonne partie du trade master même si la tâche reste physique. Le rythme de travail idéal pour ne pas se dégoûter trop rapidement est le suivant : une demi-heure de grattage le matin pour s’échauffer et une autre demi-heure le soir pour garder la forme… Il en va de même pour la colle restante qui nécessitera un deuxième passage mais les efforts demandés seront tout de même moindres. Une fois parvenu à la peinture de pont d’origine, l’opération de sablage peut enfin commencer.

Il est possible d’utiliser une ponceuse bien calibrée avec des disques à gros grains mais le décapage risque d’être long et fastidieux. A l’inverse, l’utilisation d’une sableuse est plus pratique et surtout d’une efficacité redoutable. Ainsi, en une journée de travail il est possible de sabler le pont d’un voilier de 11 mètres de long… La sableuse fonctionne par projection à haute pression de sable de carrière sur la surface à décaper. En fonction de la couche et du type de peinture mais aussi du substrat recouvert (bois, acier ou aluminium), différents réglages. existent en termes de calibrage du grain, de pression à exercer ou encore de volume à envoyer. Un équipement de protection composé d’un masque avec système d’aération, de gants et d’une tenue couvrant l’ensemble du corps est indispensable pour se protéger de la poussière de sable et des projections éventuelles de peinture, de colle ou d’autres résidus. Ne pas oublier de bien masquer les hublots, les capots et la descente pour éviter de faire rentrer trop de matière à l’intérieur du bateau.

Après le sablage, il ne faudra pas tarder à poser la première couche de primaire pour éviter l’apparition d’alumine. En effet, cette oxydation lente et naturelle de l’aluminium au contact de l’oxygène de l’air peut, à terme, empêcher une bonne adhésion de la peinture. C’est donc la course contre le temps qui s’engage. Diaphani, à notre grand soulagement, est positionné en fin de journée dans sa cabine de peinture. Il est prêt pour les grosses œuvres à venir… Le primaire époxy est réalisé au pistolet, dans la foulée, pour permettre de protéger le pont mais aussi de réaliser l’adhérence nécessaire à l’accroche de la peinture. Les travaux de reprise peuvent alors débuter dans le but d’obtenir une surface totalement propre et abrasive. Le primaire a aussi comme particularité de faire ressortir nettement tous les défauts comme les cloques de corrosion, les rayures ou encore les anciennes traces de travaux (empreintes de meuleuse, anciennes visseries…).

Plusieurs journées bien remplies sont donc nécessaires pour toucher au but car tous les défauts doivent être poncés et nivelés au cas par cas. Enfin, un dernier ponçage superficiel est réalisé sur le primaire pour garantir une accroche mécanique de bonne qualité dans la perspective d’une peinture durable. Nous choisissons d’ailleurs une peinture de pont semi brillante qui a l’avantage de masquer parfaitement les petits défauts qui ne peuvent pas tous être récupérés. Après séchage, le rendu est impeccable, on a l’impression que le pont du bateau est neuf et c’est extrêmement agréable à regarder. Il est désormais formellement interdit de se promener avec ses chaussures tant que le nouvel antidérapant n’est pas posé sur le pont… Pour la peinture de coque, la préparation est réalisée sans décapage préalable dans un souci d’économie de temps mais aussi du fait de la spécificité des bateaux en construction aluminium avec carène en forme.

Constituée de plaques soudées les unes aux autres, la carène a été enduite dès l’origine pour masquer les défauts de soudure, il n’est donc pas utile de les faire réapparaître par un décapage total de la coque. fastidieuses, les reprises enduites Il est néanmoins décidé de reprendre les enfoncements, conséquence de manœuvres approximatives au port. Voire d’anciennes collisions du fait d’autres voiliers comme ce fut le cas dans le port de l’Argol, sur l’île d’Hoëdic, où nous avions été abordés au niveau du franc-bord tribord par un petit bateau avec un couple inexpérimenté aux commandes… Pour retrouver une carène droite, il est possible de renfoncer la tôle depuis l’intérieur après démontage des vaigrages mais la manœuvre est souvent ardue car le risque de déformation en bosse non désirée est réel. En effet, en tapant avec une petite masse sur la tôle, même protégée dans un chiffon, il arrive fréquemment que cette dernière se déforme à son tour, allant jusqu’à craqueler dans le pire des cas.

Nous optons donc pour un enduit posé sur les zones enfoncées avec un ponçage à la cale en diagonale alternée. Certes chronophage, cette méthode garantit une forme de carène propre et surtout linéaire. Nous réalisons rapidement que la corrosion en cloques autour des hublots de coque est vraiment importante, un décapage en profondeur s’avère incontournable. Le but est de revenir directement sur la tôle de la coque pour éliminer les restes de peinture et d’enduit précédent et ainsi éviter la réapparition trop rapide de boursouflures sur ces endroits sensibles des œuvres mortes où viennent se boulonner les plexiglas des hublots. Sur les parties planes, le ponçage ne pose pas de problème particulier, en revanche dans le creux des hublots, l’utilisation d’une petite brosse métallique manchonnée sur une meuleuse est bien pratique. Pour finaliser les retouches de coque, nous nous concentrons sur les parties situées juste au-dessus de la flottaison au niveau de la poupe du bateau.

Cet endroit a particulièrement souffert du ressac au mouillage lorsque le bateau était en grande croisière en 2006-2007. Nous devons  donc poncer et réenduire sur une grande surface. En définitive, pour une bonne reprise des défauts du support, un certain nombre d’étapes sont à suivre qu’il est possible de résumer de la sorte : décapage des parties corrodées ou simplement abîmées (enfoncement, peinture écaillée…), passage d’une fine couche de primaire pour éviter de dépasser un certain stade suite au ponçage de l’enduit, enduit des zones décapées, ponçage de ces dernières pour éliminer la matière inutile et obtenir une surface plane et enfin pose de la couche principale de primaire et reponçage partiel pour activer une accroche mécanique.

De plus, un bâchage qui sert de masquage est évidemment incontournable pour éviter de salir les autres parties du bateau non concernées par la peinture. Ainsi, tout le pont est recouvert d’une bâche en plastique en vue de la première couche et du scotch de bon diamètre protège les œuvres vives d’un dérapage éventuel. La coque est aussi intégralement dégraissée et dépoussiérée avant les travaux de peinture. Le primaire, constitué d’un durcisseur (la quantité dépendant de la surface à peindre) permet, comme pour la peinture de pont, de faire ressortir les dernières imperfections.

Et, encore une fois, de légères reprises sont à effectuer, rendant la somme de travail assez considérable mais rien ne semble assez beau lorsqu’il s’agit de son voilier… La peinture ou laque, quant à elle, se pose au pistolet après séchage du primaire, en général dans les 36 heures qui suivent. La teinte est choisie à partir d’un nuancier de couleurs. la peinture, un savant cocktail. Nous décidons de modifier légèrement le motif; nous partons donc sur une peinture blanche comme précédemment mais avec un liseré blanc supplémentaire intégré dans notre bande bleue d’origine. La peinture est composée par Christophe, « l’artiste peintre » du chantier, à partir d’une formule de base donnée par le producteur à respecter en y intégrant la teinte désirée… et d’autres ingrédients. La peinture est composée de quatre éléments : les pigments (couleur et opacité), les liants qui assurent la liaison pigment et support, les solvants qui donnent sa viscosité à la peinture, et enfin les agents auxiliaires comme les antipelliculaires ou encore les plastifiants. Cette alchimie est toujours tributaire des conditions atmosphériques ambiantes (température et humidité), c’est pourquoi la peinture sera à réaliser de préférence en intérieur et la cabine préalablement chauffée pour atteindre au minimum 15°.

Une fois la laque blanche appliquée sur l’intégralité de la coque, on peut finalement s’attaquer à la décoration. Celle-ci demande encore une fois un travail de masquage en amont pour ne garder que la partie décorative apparente (la bande bleue). Un repère de 20 cm est ainsi pris par rapport au rail de fargue mais du fait de la légère dissymétrie de la coque inhérente à la construction et à la forme de la carène, le scotch est posé mètre par mètre après vérification régulière à l’œil. Pour finir, un léger ponçage est effectué sur la future partie décorative pour permettre une accroche parfaite de la peinture bleue. Le séchage est effectif sous 24 heures et il ne reste plus qu’à retirer le scotch et les bâches de masquage. C’est là, sans doute, la partie la plus agréable car on découvre la qualité du travail effectué. Le résultat est fantastique, le bateau comme neuf !

L’art délicat du désaccastillage

L’art délicat du désaccastillage

Ce Sillage 11.30 en aluminium avait besoin d’un sérieux refit. Nous avons commencé par le désaccastiller, ce qui nécessite un peu d’outillage et pas mal d’expérience. Celle du chantier naval du Grand Val s’est avérée précieuse

DEPUIS QUELQUES années déjà, l’apparence du bateau laissait à désirer avec ses innombrables cratères, boursouflures, cloques et autres imperfections de peinture. Son Trade Master, antidérapant à la mode au début des années quatre-vingt, commençait également à se décoller en de nombreux endroits et avait perdu sa couleur éclatante du début. L’accastillage, lui aussi d’origine, était largement démodé et parfois mal adapté. Quand on a eu l’habitude de naviguer des années sur un bateau en bon état, il est terrible de le voir s’abîmer avec le temps et il est notable qu’une accélération de la dégradation survient à partir d’un certain point de non-retour, surtout dans le cas d’une peinture de pont sur support alu. Enfin, prendre l’habitude de naviguer sur un voilier moins bien entretenu pousse inconsciemment à y faire moins attention… Il était donc doublement indispensable de lui faire subir une cure de jeunesse salvatrice !

UNE MISE A NU INDISPENSABLE

Pour éviter l’apparition de cloques et de corrosion galvanique sur le pont en aluminium, le futur support à peindre se doit d’être entièrement mis à nu. Mais aussi parfaitement préparé, c’est-à-dire qu’il faut impérativement traiter les zones corrodées présentes sous l’ancien accastillage. Comme sur toute construction en métal, l’électrolyse potentielle à venir conditionne l’ensemble des opérations de rénovation et Diaphani n’échappe pas à cette règle exigeante. Le pont et la carène étant conducteurs, il suffit que du courant circule pour qu’il se concentre aux endroits où le revêtement a sauté là où une couche de peinture a été posée sur un substrat mal préparé. Contrairement à un voilier en polyester ou en bois, il est donc impératif de retirer intégralement l’accastillage de pont (winches, poulies sur support, poulies de renvoi plat pont, taquets, bloqueurs, rails de génois et de GV, guindeau…) mais aussi tous les hublots, capots et autres boîtes à daurade qui agrémentent le bateau.

Sans oublier la partie « balcons et chandeliers » car les pieds de support de ces derniers doivent également être sablés puis repeints. En effet, ces zones sont particulièrement sensibles à la corrosion du fait de leur grande exposition aux embruns. Enfin, cette préparation s’applique aussi à la menuiserie située sur le pont (lattes des bancs du cockpit, cadres en bois des capots, mains courantes…) qui ne pourrait, en plus, supporter la terrible épreuve du sablage. Décidés à faire le maximum par nous-mêmes pour limiter la dépense, nous nous lançons en famille dans l’aventure laborieuse du désaccastillage d’un voilier trentenaire.

A noter que nous sommes bien épaulés par Gaétan, l’un des quatre techniciens du chantier, qui maîtrise parfaitement l’art de la vieille vis oxydée et du tournevis à frapper… Nous ne savons par où commencer tellement la liste des éléments à démonter semble infinie. Avec le temps, les pièces d’accastillage semblent avoir fusionné avec le pont du bateau… Pour preuve, les vis résistent toutes à un premier coup de tournevis classique malgré une abondante utilisation de dégrippant (WD40).

Le coupable, c’est l’oxydation qui s’est créée entre visserie en inox et pont en aluminium… Il existe plusieurs solutions plus ou moins pratiques dans ce cas de figure mais l’essentiel est d’avoir les bons outils, de maîtriser plusieurs techniques de démontage et de disposer d’une bonne dose de patience. En premier lieu, le tournevis à frapper avec tout un arsenal d’embouts adaptés et de rechange est de loin notre meilleur allié. Son corps massif, dont l’intérieur est compos d’un mécanisme simple et robuste, permet de transformer un mouvement linéaire (celui du coup de marteau) en un mouvement de rotation.

Il est alors possible de dévisser des vis totalement bloquées par l’oxydation sans abîmer les empreintes de vis. Avec de bons gants et au prix de quelques douleurs dorsales dues à la répétition incessante des coups de marteau, nous arrivons à démonter la majorité de l’accastillage constitué essentiellement de vis boulonnées. Mais il faudra tout de même plusieurs semaines bien remplies pour y parvenir… En revanche, le démontage des hublots latéraux en plexiglas ne sera pas une réussite car malgré nos soins, nous ne pouvons que constater l’apparition de microfissures qui remettent en cause la pérennité de ces éléments indispensables à l’étanchéité du bateau. Il faudra donc nous résoudre à les changer.

DU TOURNEVIS AU CHALUMEAU

Satisfaits sur le coup de l’avancement des travaux, nous n’allons pas tarder à déchanter en tentant une attaque des rails de génois qui, longs de 3 mètres, comptabilisent tout de même près d’une centaine de vis. Contrairement à l’accastillage classique comme les poulies, taquets et autres winches, les vis sont taraudées dans le pont en aluminium. Nous avons beau utiliser le tournevis à frapper, rien n’y fait, les empreintes des vis commencent même à se détériorer. Gaétan nous propose alors de chauffer les têtes de vis au chalumeau (mélange d’argon et d’oxygène) pour obtenir une dilatation des matériaux. Sous l’action de la flamme, l’inox des vis se dilate en même temps que l’aluminium mais pas avec les mêmes caractéristiques, ce qui engendre la création d’espaces et facilite donc leur extraction.

Pour être efficaces il faut dévisser dans la foulée tant que la chaleur du support est encore importante. Cela suppose aussi de s’assurer que la chaleur ne se diffuse pas trop sur et sous le pont du bateau, l’aluminium étant extrêmement conducteur. Nous devons donc démonter depuis l’intérieur les vaigrages et autres câbles électriques au voisinage des rails de génois, ce qui nous rajoute au final une bonne dose de travail. Malheureusement, même sous l’action de la chaleur, certaines vis récalcitrantes ne viennent toujours pas. Gaétan décide alors d’utiliser une technique longue mais très efficace qui consiste à faire sauter les têtes de vis à la meuleuse. Ainsi décapités, les rails de génois présentent beaucoup moins de résistance et il suffit de faire levier avec un tournevis ou un burin pour en venir à bout. 

Reste alors à s’attaquer au corps de la vis qu’il est relativement facile de retirer à la pince à étau. Dans le cas contraire, il faudra se résoudre à employer la perceuse afin d’éliminer les restes de matière. C’est justement l’utilisation de la perceuse comme solution de dernier recours qui va nous causer le plus de soucis car cette dernière nécessite un savoir-faire certain. Ainsi, pour le démontage de nos mains courantes ou des cadres en bois intérieurs de nos capots de pont, le tournevis à frapper n’étant pas assez efficace et le chalumeau inutilisable en toute logique sur du bois, nous tentons la méthode du « perçage de vis ». Pour réaliser ce désaccastillage dans les règles de l’art, des consignes doivent être suivies à la lettre pour ne pas se retrouver avec une vis cassée et bloquée dans le support à démonter.

 Tout d’abord, il est primordial de percer au centre de la tête de vis avec l’aide du poinçon (voir encadré). Ensuite, en perçant bien au milieu de la tête, on finira par faire sauter celle-ci et l’on pourra retirer à terme l’élément désigné. Pourtant, il arrive souvent que l’on perce en biais, surtout lorsque l’on a peu d’expérience, ce qui nécessite alors de s’attaquer carrément au corps de la vis par des perçages avec des mèches de plus en plus grosses pour venir à bout de la matière. Le risque étant de déraper et de percer le bois à côté, ce que nous ne manquerons pas de faire malgré les conseils de notre « coach »! Nos deux mains courantes ne survivront d’ailleurs pas à nos interventions…

 Ce chantier de désaccastillage restera une expérience mémorable. Mais malgré nos erreurs de jeunesse, nous avons la satisfaction d’avoir devant nous un bateau nu, prêt pour la prochaine étape : sablage, ponçage et autres réjouissances pour lesquelles on vous donne rendez-vous le mois prochain!